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Le roller-derby : mi-sport, mi-défense pour les Égyptiennes

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Connaissez-vous le roller-derby ? Un drôle de sport féminin où patins à roulettes riment avec castagne. Depuis trois ans, la discipline rencontre un vrai succès en Égypte. Mais dans ce pays où beaucoup de femmes sont victimes de harcèlement, le roller-derby est bien plus qu'un jeu. 

Le roller-derby est une course de contact entre deux équipes, qui se pratique sur un terrain oval. Chaque équipe compte cinq joueuses, dont une "jammeuse". Quand les deux équipes s'élancent dans un même peloton dans la course, les "jammeuses" sont en dernière position et doivent dépasser tout le peloton pour marquer un point. Chaque équipe doit alors aider sa "jammeuse" à passer et bloquer celle de l'équipe adverse.

Cette discipline est apparue aux États-Unis, au début des années 1930. Mais il faudra attendre le début des années 2000 pour qu'elle gagne l'autre rive de l'Atlantique. Aujourd'hui, il existe près de 400 ligues de roller-derby dans le monde, principalement dans les pays anglo-saxons. Le monde arabe en compte deux : un club aux Émirats arabes unis et le "CaiRollers" en Égypte.

Des voitures s'arrêtaient pour nous siffler ou lancer des remarques désobligeantes"

Nofeartity (pseudonyme de jeu), 33 ans, est l'une des fondatrices de l'équipe de roller-derby "CaiRollers". Dans la vraie vie, la jeune femme s'appelle Susan et elle est professeur dans un lycée international.

L'idée de créer un club a été lancée par deux collègues américaines qui enseignent avec moi au lycée international et qui avaient déjà pratiqué ce sport aux États-Unis et à Londres. L'idée m'a tout de suite séduite car, durant mon adolescence, j'aimais beaucoup faire du roller et c'était là pour moi l'occasion de renouer avec ma passion. Je pense aussi que ce sport séduit les femmes parce que, tout en étant très physique, il a été créé pour elles. Or d'habitude, les sports de contact sont davantage pensés par des hommes et ensuite adaptés aux femmes.

Ce n'était pas facile d'imposer ce sport au début, en 2011. Je me rappelle encore de nos premiers entraînements : nous nous retrouvions le soir au centre sportif d'al-Gazira, qui était fréquenté par des hommes qui jouaient au football ou au basket. Soudain, tout le monde s'arrêtait et se retournait sur notre chemin. On se moquait de nous, de la manière dont on s'habillait ou de nos chutes, sans même comprendre de quoi il s'agissait. Plus tard, on s'est mises à jouer en extérieur car les patins à roulettes peuvent abîmer le parquet des salles. Là aussi, des voitures s'arrêtaient pour nous siffler ou lancer des remarques désobligeantes. Ce n'est qu'au bout de la 4e ou 5e séance d'entraînement que les gens ont commencé à s'intéresser au jeu et à nous poser des questions sur les règles. 

"Le roller-derby est aussi porteur d'un esprit de solidarité"

Cette persévérance a provoqué un certain changement chez nous. Quelques mois après la formation de l'équipe, je suis allée manifester place Tahrir. On sait tous le nombre de viols et d'agressions sexuelles qui ont été commises dans ce lieu, l'effet de foule aidant. Pourtant, cette fois-là, je me sentais beaucoup plus confiante car je savais qu'en cas d'agression, je pouvais me défendre, pousser quelqu'un, le faire tomber et échapper à un groupe. Plus tard, j'ai même intégré les brigades anti-harcèlement qui intervenaient lors des manifestations pour prévenir ces agressions. Dans une société où le harcèlement des femmes est un véritable fléau, le roller-derby acquiert un autre sens. Ce n'est pas juste du sport.

Le roller-derby est aussi porteur d'un esprit de solidarité. Acheter le matériel nécessaire coûte cher en Égypte alors, pour équiper tout le monde, les filles qui, comme moi, peuvent voyager à l'étranger, ont ramené ce qu'il faut pour tout le monde. Des clubs internationaux nous ont également aidées. Et cet esprit d'entraide favorise aussi la mixité sociale. Au début, les joueuses inscrites étaient principalement issues d'un milieu aisé, mais aujourd'hui, nous sommes une vingtaine et nous venons de tous les milieux. Certaines n'ont même jamais fait de roller ou n'avaient pas les moyens de s'offrir des patins, alors le reste de l'équipe était là pour les soutenir.



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